Aurélien Mole

28 janvier - 23 avril 2023

DE LEUR TEMPS (7), un regard sur les collections privées

FRAC Grand Large - Hauts de France, Dunkerque (FR)

Type

Exposition de groupe

Commissariat d'exposition

Keren Detton

Une exposition en partenariat avec l'ADIAF (Association pour la diffusion internationale de l'art français)

Vues d'exposition

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Liste des oeuvres

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Communiqué de presse

Le Frac Grand Large est une institution dédiée à la constitution d’une collection publique d’art contemporain. Ses espaces d’exposition accueillent aujourd’hui des collections privées. Mais qu’est-ce qu’une collection ? Comment s’opèrent les choix artistiques et quelles visions de l’art et de la société véhiculent ces collections ? Quels rapports entretiennent-elles avec les institutions publiques ?  En accueillant la septième édition de la triennale « De leur temps », proposée par l’ADIAF, le Frac présente des œuvres contemporaines qui donnent à voir de nouvelles formes de représentation, proposent d’autres manières de se relier à notre environnement, revisitent des histoires oubliées. Entre expression de l’intime et adresse publique, ces œuvres montrent un esprit du temps traversé de doutes, de visions et d’émotions.

« De leur temps » comprend des œuvres réalisées, dans leur grande majorité, au cours des cinq dernières années. Œuvres d’atelier pour la plupart, elles s’accrochent souvent aux murs dans l’intimité des habitations, dans des bureaux ou parfois des réserves en attente d’exposition. Réunis en association, les collectionneurs de l’ADIAF ont choisi de partager leur passion et prêtent ponctuellement leurs pièces à des institutions. Peintures, dessins, sculptures et photographies, certaines acquisitions sont aussi des vidéos, des performances ou des protocoles à réactiver. Les collectionneurs se lient aux artistes au travers de différents contrats qui repoussent les limites de l’œuvre, leur matérialité et leur durée. Depuis le fameux ready-made de Marcel Duchamp de 1917, un urinoir du commerce retourné, signé puis déplacé dans une exposition, nombreux sont les artistes iconoclastes qui, à l’instar de Saâdane Afif, manipulent les symboles et considèrent l’art dans sa fonction critique. Par-delà la provocation, c’est l’économie de l’œuvre qui entre en scène, sa valeur marchande liée à sa médiatisation, même !

Certains médiums comme la peinture continuent d’occuper une place de choix – ici près de la moitié des propositions. Mais l’hétérogénéité et la qualité exceptionnelle des œuvres proposées permettaient d’aborder une grande diversité de pratiques. Nous avons privilégié un parcours à travers des thématique qui abordent la critique des images et des représentations, aussi bien dans le renouveau des grands sujets de l’histoire l’art (portrait, paysage, vanité) qu’au travers de productions plus abstraites autour de la spécificité des médiums (leurs supports autant que leurs histoires). L’accrochage opère ainsi des rapprochements et des tensions entre des esthétiques de différents héritages (art optique, pop, expressionniste, conceptuel). Les formes plus narratives entrent en résonance avec les tremblements du monde contemporain, ses crises sanitaire et climatique, ses outrages aux corps et aux démocraties.

Si les collections privées attisent aussi la curiosité c’est qu’elles véhiculent du plaisir, exaltant les ambiguïtés du sexe et du désir. Dans l’intimité des collectionneurs, l’articulation du désir et du regard est prégnante. Constituer une collection privée peut être le catalyseur de pulsions mais aussi l’expression d’une subjectivité partagée et d’un exercice critique où s’affirment et s’affinent des critères esthétiques. Est-ce que le cabinet de curiosités que constitue chaque collection privée, qu’elle traite ou non de sexualité, peut être considérée comme un cabinet érotique ? Alors qu’elle permet d’associer des perspectives différentes, la collection devient parfois elle-même un thème. Oriol Vilanova s’inspire de la correspondance amoureuse pour mettre en scène des collectionneurs. Shimabuku projette chez la pieuvre les qualités sensibles d’une collectionneuse. Dans l’exposition, la figure du collectionneur se révèle sous de multiples facettes : froide ou sensible mais aussi redoutablement drôle.

Alors que le Frac Grand Large fête aujourd’hui ses quarante ans – et par la même occasion l’engagement des politiques publiques en faveur de la décentralisation – l’occasion était trop belle de pouvoir, dans le même temps, lever le voile sur des passions privées, en permettant une compréhension plus vaste des liens que le public et le privé tissent autour et avec l’art.

Si l’institution apparaît comme l’instance de légitimation d’une carrière artistique, confirmant dans le même mouvement sa valeur marchande, il convient de rappeler comment sont nées les grandes collections publiques et la manière dont les donations privées continuent d’alimenter les musées. Aussi, nous sommes ravis qu’aux côtés des collectionneurs de l’ADIAF des Amis du Frac Grand Large aient souhaité participer, et contribuer à cette dynamique d’ouverture et de partage, des valeurs qui nous unissent.  

Avec plus de cent vingt œuvres issues d’une soixantaine de collections, l’exposition vient souligner des écarts et des échos où s’estompent les choix particuliers. À l’affut de la nouveauté, ces collectionneurs et collectionneuses nous invitent à naviguer au sein d’une large diversité d’expressions et à construire notre propre chemin.

Keren DETTON

Bibliographie

Crédits

Aurélien Mole